Raphy

Accompagné de Luke, Raphy passa devant la porte du relais de communication où était enfermé Edamaël. 

– Tu crois qu’il va bien ? Demanda Luke en désignant la porte.

– Sais pas. Mais à sa place ça m’irait bien d’être enfermé tranquille à réparer quelque chose. 

Cela faisait 48 heures que le corps de Jadila avait été trouvé et les nouvelles mesures prises. Pour le moment, le plan fonctionnait à merveille. Il n’y avait pas eu de nouvelle attaque et les réparations de l’hyperdrive étaient presque finalisées. Raphy supportait mieux la situation que la plupart de ses collègues. Luke et Pelouis, en particulier, avaient beaucoup de mal à masquer leur anxiété. Pelouis était en permanence nerveux et gardait toujours son arme à portée de main. Luke, quant à lui, parlait beaucoup plus qu’à l’habitude, comme pour compenser un stress constant. 

Raphy ouvrit la porte de la salle des réacteurs en pianotant sur la commande. Il se mit à siffloter tranquillement en s’approchant du générateur hyperdrive. Rien de mieux à faire que de réparer et bidouiller. Depuis sa plus tendre enfance, il avait passé ses soirées à écumer les décharges de Mars pour récupérer des pièces électroniques et retaper ce qu’il pouvait. Il ramassa l’un de ses outils et se pencha vers le générateur. Luke l’interrompit :

– Comment tu fais pour rester aussi zen ?

Raphy tourna la tête vers lui sans répondre. Luke enchaîna :

– On dirait que la situation ne te fait rien. 

Raphy réfléchit un instant, reposa son outil et soupira. 

– Tu veux vraiment savoir ?

Luke acquiesça. Le teint livide, de profondes cernes sous les yeux. Raphy savait qu’il avait très peu dormi ces deux derniers jours. S’il fallait lui raconter toute l’histoire …

– Ok je vais te raconter un truc. Il y a quatre ans, j’ai pu piloter pour la première fois un petit chasseur dans l’espace. C’était un RED IV que j’avais moi-même modifié à partir de mes propres pièces. J’avais obtenu l’autorisation de voler aux alentours de Mars, tant que je restais loin du spatioport orbital. Tu as déjà pu voler en toute liberté comme ça ?

Luke fit non de la tête, une lueur d’envie dans le regard.

– Je peux te dire que c’était génial ! Encore mieux que ce que je m’étais imaginé étant gosse. Un vrai plaisir de pousser ton vaisseau à fond, modifier ta trajectoire comme tu le souhaites. Une vraie sensation de liberté …

Il se perdit un instant dans ses pensées. On disait souvent que les deux jours les plus importants dans la vie d’un Homme sont le jour de sa naissance et le jour où il part seul dans l’espace. C’était probablement vrai. Il reprit :

– Donc ce jour là j’ai fait le con en bordure de Mars à foncer dans tous les sens et à m’éloigner un peu de la planète. L’immensité de l’espace m’attirait. 

Luke, même s’il ne voyait pas où il voulait en venir, l’écoutait avec attention.

– Et à un moment, où j’étais en pleine extase de vol, tu sais ce qui est arrivé ?

– Problème technique ? Tenta Luke.

– Non, un cargo est sorti de l’hyperespace à quelques mètres de moi. 

Luke avait pâli et semblait horrifié.

– Heureusement, j’allais dans le même sens que le cargo et à une vitesse supérieure à la sienne dans l’espace. 

– Mais …

– Mais, à une seconde près, le cargo m’aurait explosé.

Raphy marqua une pause. Un frisson le parcouru. Il n’aimait pas parler de cette histoire, mais les circonstances étaient exceptionnelles.

– Tu te doutes bien que ça m’a refroidi et j’ai remercié tous les dieux de l’espace ou de je ne sais où pour cette chance. 

– Il s’est passé quoi ensuite ?

– Je suis directement rentré sur Mars et je n’ai plus jamais piloté de chasseur. Plus jamais. Je suis meilleur pour réparer que pour faire n’importe quoi dans l’espace.

Luke sembla vouloir creuser le sujet mais il se ravisa. Il dit simplement :

– Mais quel rapport avec …

– … notre situation ? C’est simple : tu m’as demandé pourquoi je vais bien alors qu’on est coincé dans un vaisseau avec deux putains d’aliens prêts à tous nous tuer. Je crois que je suis déjà mort ce jour-là, il y a quatre ans, dans l’espace. Je crois que j’ai accepté cette fatalité de mourir et que ça ne sert à rien de s’embêter avec ça. Si j’étais mort ce jour-là, je ne serais pas là aujourd’hui. Ma vie depuis n’est qu’un simple sursis.

– Ok … si je comprends bien tu penses que tu es déjà mort une fois ?

– C’est une façon de parler. Je pense juste que notre situation ici est ce qu’elle est et qu’il faut l’accepter. On va peut-être tous y passer. Ou pas. Tout ce que l’on peut faire c’est réparer ce foutu générateur.

Sur ce, il tourna le dos à Luke et reprit son outil.

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