Pelouis

Il fallait garder la face devant les autres, alors Pelouis avala son verre d’un trait, s’efforçant de ne pas grimacer. Il avait l’habitude de l’alcool, mais il fallait avouer que cette boisson locale était plutôt coriace.

– Solide ce verre, lança-t-il à Orthur, qui avait recommandé la boisson. 

– La légende dit qu’il y aurait un peu de raritarium dedans, mais je pense que c’est des conneries, répondit ce dernier en éclatant de rire. 

Pelouis, Orthur et Raphy, se trouvaient en terrasse d’un bar huppé de Telenium. La ville n’était pas très grande, mais suffisante pour avoir sa propre économie et les ressources de la planète en faisait un lieu relativement fréquenté. Le bar, situé presque au sommet d’une des tours de la ville, leur permettait d’avoir une vue dégagée sur le désert entourant la ville. Ce n’était que des dunes grises à perte de vue. Un léger vent balayait le paysage mais rien ne bougeait. Pelouis savait que les exploitations de raritarium se trouvaient de l’autre côté de la ville, hors de leur vision. Il reprit la parole :

– En tous cas c’est sympa de pouvoir discuter avec vous. Je pensais m’ennuyer à fond dans ce genre de mission mais au final on rencontre des gens sympas. 

– Ce n’est pas toujours comme ça, répondit Raphy, j’ai fait pas mal de missions de transport et souvent c’est long et pas agréable.

– Le plus souvent, le seul truc bien c’est la paye, ajouta Orthur.

Pelouis laissa échapper un petit rire compréhensif :

– Je me doute ! Donc vous faites ça tous les deux pour l’argent ? 

Orthur et Raphy échangèrent un regard. 

– Dans mon cas oui, commença Orthur. Comme vous le savez, j’étais dans l’armée avant. Je faisais des missions spéciales pendant la guerre Litole et ça m’a permis de faire pas mal d’argent. Mais la guerre a fini par se stopper.

Il se pencha par-dessus le rebord de la tour et cracha dans le vide.

– Enfoirés de Litos au passage. Enfin bref, il me manquait encore un peu d’argent pour prendre ma retraite. 

– Pourquoi ne pas avoir continué dans l’armée ? intervient Raphy.

– Sincèrement ? Je ne veux plus me faire tuer alors que le gros de ma carrière est derrière moi. Je vais avoir 25 ans. Je veux lâcher tout ça.

Il désigna Pelouis :

– Je ne suis pas comme ce petit jeune ahaha. À ton âge je m’en foutais de mourrir tant qu’il y avait de l’action. Quel con ! 

Il vida son verre d’un trait. Pelouis était effectivement beaucoup plus jeune. Il venait d’avoir 11 ans et ressentait ce désir d’action que décrivait Orthur. Ce dernier reprit :

– Là c’est ma dernière mission. Un job facile pour terminer. Après ça, je file sur Hampton III et je me prends une petite villa …

Il s’arrêta de parler, apparemment perdu dans ses pensées de retraite idyllique. Hampton III était une petite planète paradisiaque proche de Berlouaize, prisée pour le tourisme et la vie tranquille.

– Et toi Raphy ? relança Pelouis après un instant de silence.

– Moi aussi c’est en partie pour l’argent. Mais c’est aussi parce qu’il faut bien faire quelque chose. 

– Tu voudrais faire quoi si tu pouvais choisir ?

Raphy regarda l’horizon. 

– Bonne question. Bosser pour Himalaya est vraiment trop chiant. Il n’y a jamais rien à faire comme réparation, surtout sur des cargos comme le nôtre. 

– C’est pareil pour nous les agents de sécurité, enchaina Orthur, sur toutes les missions que j’ai faites, je n’ai jamais rien eu à faire, sauf une fois. Il y avait un type qui s’était introduit dans la cargaison et on s’en est rendu compte après le départ.

– Et ? 

– Comme on devait faire Mars-Terre, c’était très court. J’ai juste bouclé le mec dans la soute et on l’a livré aux gardes sur Terre. Ils ont certainement dû le relâcher. Là bas ils n’ont pas la même discipline.

Pelouis n’avait jamais mis les pieds sur Terre. Martien de naissance, le berceau de l’humanité représentait pour lui une antiquité. Il savait cependant que les terriens avaient une mentalité et un mode de fonctionnement très différents. D’ailleurs le seul terrien de leur expédition, Zéo, ne se mélangeait pas aux autres. 

– Et toi Pelouis ? reprit Raphy, qu’est-ce qui t’a amené ici ? 

– Vous allez vous marrer, mais c’était soit ça soit Numbar !

Les deux autres éclatèrent de rire. 

– Sérieux ?

– Oui vraiment ! Je suis fan des gladiateurs de Numbar et ça me disait bien de faire carrière là dedans. 

Orthur prit la bouteille au milieu de la table et lui servit un nouveau verre.

– Il faut être sacrément taré pour faire ça. Je crois que tu as un problème mon gars !

Pelouis vida son verre. 

– Je ne pense pas que je l’aurai fait pour de vrai. Ma famille m’a poussé à faire un truc moins dangereux. C’est comme ça que j’ai atterri dans cette mission. 

– Tu sais bien te battre ? Questionna Raphy.

– Forcément, sinon il n’aurait pas été pris pour la mission !

– J’ai fait presque 5 ans de Kotari et je fais du tir depuis 2 ans. 

– Un vrai combattant ahaha ! Mais clairement tu n’es pas au bon endroit si tu veux te battre. 

– Ouais j’avais compris.

Orthur s’étira, contemplant le paysage désertique. 

– Hâte de décoller. Cette foutue planète me déprime. 

– Pareil.

– Je suis d’accord.

Pelouis savait qu’Orthur s’imaginait déjà dans quelques semaines sur le bord de sa plage privée, sous un soleil radieux. Lui-même avait envie de rentrer. Aeko II lui semblait hostile, sans qu’il puisse comprendre pourquoi, car à sa connaissance la planète ne présentait aucun danger. Quoi qu’il en soit, tout le monde serait plus heureux une fois sur le chemin du retour.

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