Hewma
C’était presque une tradition pour Hewma. À chaque fois qu’elle se trouvait sur une nouvelle planète, elle essayait d’en apprendre plus sur son écosystème et ses habitants. Et ce qu’elle voyait pour le moment sur Aeko II ne lui plaisait pas vraiment. Cela ressemblait sans équivoque à une classique exploitation humaine.
Elle se trouvait sur l’une des murailles entourant Telenium. Juste devant, à quelques centaines de mètres, on voyait nettement la gueule béante d’une mine à ciel ouvert. C’était comme si le désert avait été éventré, laissant apparaître une profonde entaille grouillante d’activité dans le paysage monotone. Elle pouvait apercevoir quelques droïdes de minage qui revenaient rapidement vers la ville. À part cela, le panorama était relativement plat, composé de dunes grisâtres. Elle apercevait seulement une fine ligne plus foncée dans le lointain, signe qu’une chaîne de montagnes se trouvait à distance.
Elle soupira doucement. À quoi s’attendait-elle ? C’était toujours la même chose. À chaque nouvelle planète, elle avait la preuve supplémentaire que l’humanité, et surtout les Martiens, étaient des capitalistes sans cœur. Cependant, cela n’avait finalement rien de si surprenant. Hewma savait que l’Homme avait l’esprit de conquête depuis toujours et, bien avant qu’il soit capable de quitter la Terre, il avait férocement colonisé l’ensemble de sa planète natale. Et la même chose se produisait à présent à l’échelle de l’espace.
Hewma, comme la plupart des humains originaires de Berlouaize, croyait qu’il existait dans l’univers une sorte de karma global. Pour eux, l’humanité allait un jour payer le prix de ses actions, comme si une force supérieure allait rétablir l’équilibre …
Perdue dans ses pensées, elle se dirigea vers l’ascenseur pour redescendre vers le cargo stationné en bas. Elle n’avait pas encore parcouru la moitié du chemin que quelqu’un l’interpella :
– Hewma ! Qu’est-ce que tu fais là ?
Elle se retourna. C’était Gavrie, le capitaine du cargo. Il avait dû prendre l’ascenseur de l’autre côté et faire le tour des remparts. Elle lui a adressa un sourire poli :
– Je voulais voir à quoi ressemblait la planète.
Gavrie se tourna vers le paysage, l’air pensif.
– Il n’y a pas grand chose à voir, non ?
Elle acquiesça sans répondre, curieuse de savoir comment Gavrie allait poursuivre la discussion. C’était son premier voyage avec lui et ils n’avaient que très peu de contacts depuis le départ. Hewma était toujours avide de discuter et de comprendre les autres. C’était pour elle une compétence indispensable pour exercer une activité médicale comme la sienne. Gavrie reprit :
– Ça fait une bonne douzaine de fois que je viens ici et la seule chose qui me plait est la vue dégagée. Ce désert est immense et on voit vraiment loin.
– Quand tu dis que tu es déjà venu ici …
– Je parlais de la planète, pas de Telenium. Habituellement on va chercher les cargaisons à la capitale. Mais comme Himalaya veut changer de fournisseur …
Il haussa les épaules. Hewma se rapprocha un peu.
– Il n’y a rien de spécial sur Aeko II à part le raritarium, n’est-ce pas ?
– Non pas grand-chose. La planète est composée d’une grande partie d’un désert gris. Celui que l’on a sous les yeux.
Il balaya le paysage d’un geste.
– Ensuite, il y a quelques chaînes de montagnes. Tu peux en apercevoir au loin. Je ne crois pas qu’elles aient encore été explorées en détail. Et enfin tu as une bonne portion de la planète recouverte d’une sorte de marécage.
– Il a une couleur blanchâtre ? Il me semble l’avoir observé lorsque nous avons survolé une partie de la planète.
– Oui c’était bien ça. Mais pour le moment c’est une zone totalement inexploitable. La population humaine n’est installée que dans le désert.
– Pourquoi ? Le raritarium est plus simple à extraire ici ?
– Oui il suffit de creuser un peu et le seul obstacle est du sable.
Il laissa son regard porter jusqu’à la mine.
– Ça fait de sacrés trous et je peux te dire qu’il y a des galeries gigantesques en dessous. J’ai pu visiter une mine il y a quelques mois.
– Est-ce que l’on exploite les locaux pour extraire le raritarium ?
Gavrie se tourna lentement vers elle.
– Tu veux dire … les habitants originels de la planète ?
Elle acquiesça :
– Je n’ai pas pu trouver beaucoup d’informations sur eux et je n’en ai vu aucun en ville.
– C’est normal. Les locaux, les Daeko, ne sont pas mélangés avec les Hommes. Je ne connais pas les détails mais je sais que toutes les tentatives de coopération ont échoué.
– C’est parce que nous n’avons pas pu trouver de langage commun ?
– Non je ne pense pas. Les colons d’ici ont peur des Daeko. C’est pour cela que les villes sont aussi fortifiées. Les Daeko sont très inférieurs en technologie donc un simple mur peut les arrêter.
Enfin des informations intéressantes se dit Hewma.
– Et tu sais où ils se trouvent sur la planète ?
– On dit qu’ils sont surtout dans les marécages. Je n’en ai jamais vu mais ils auraient une taille proche de celle d’une homme.
– J’ai du mal à comprendre pourquoi ils représentent un danger s’ils sont si en retard technologiquement.
Gavrie parût mal à l’aise.
– Ils sont beaucoup plus nombreux que les colons d’après les estimations. Mais surtout, j’ai entendu des rumeurs.
Il baissa la voix.
– Ils seraient très venimeux et mortels pour l’Homme. Et en plus, certains chercheurs affirment que les Daeko auraient la capacité de reprogrammer leurs cellules pour changer d’apparence.
Hewma resta un instant silencieuse, songeuse.
– Est-ce que tu sais comment fonctionne ce procédé ? Quelles formes peuvent-ils prendre ?
– Je ne saurais pas te dire exactement. Je tiens mes infos de …
Il hésita un instant, semblant incertain de la suite de ses explications.
– Pour résumer, Himalaya m’a communiqué quelques informations classées confidentielles pour cette mission.
– Si tu ne peux pas en parler …, commença Hewma, au fond d’elle impatiente d’en savoir plus.
– Non non, ça ne pose pas de problème. C’est important de se faire confiance. Et puis, en vérité, maintenant qu’on est là …
Il sembla rassembler ses pensées :
– Donc je ne saurais pas te dire exactement comment le procédé de métamorphose fonctionne. Ce qui est certain, c’est qu’un Daeko ne peut pas prendre une apparence qu’il ne connaît pas. Il a besoin d’un « morceau » de son modèle.
– Du sang ? Une partie organique ?
– Il semblerait qu’une fraction d’ADN suffise.
Hewma était émerveillée. C’était toujours incroyable de découvrir les capacités hors norme des autres espèces présentes dans la galaxie.
– Donc ils pourraient prendre une apparence humaine, par exemple ?
Gavrie détourna le regard.
– Oui. Et c’est déjà arrivé plusieurs fois dans les villes secondaires. La sécurité est moins élevée qu’à Diraeko. C’est pour cela qu’on m’a donné des infos.
Il se tut et observa de nouveau l’horizon. Hewma, suivant son regard, eut le sentiment que Gavrie n’avait pas tout dit. S’était-elle engagée dans une mission dangereuse sans en avoir conscience ?
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