Luke

Comment allaient-ils relancer le générateur hyperdrive ? Raphy avait-il déjà effectué ce genre d’opération ? Avait-il une probabilité qu’ils restent coincés ainsi au beau milieu de l’espace et soient obligés d’attendre des secours ?

Pour ne pas passer pour un froussard, il retenait ses questions. En tant normal, il aurait interrogé Raphy mais ce dernier semblait un peu distant et préoccupé. Quoi qu’il arrive, Luke savait que la situation n’était pas grave. Dans le pire des cas, s’ils ne parvenaient pas redémarrer le générateur, une équipe de secours viendrait les chercher.

Voyager dans l’espace était bien moins dangereux maintenant que lors de la conquête spatiale. À cette époque, avait appris Luke, seule une minorité des vaisseaux arrivaient à bon port. Aujourd’hui, d’après les statistiques officiels, 99,99% des trajets se déroulaient sans problème.

Il sortit de ses pensées au moment où Raphy ouvrait la porte de la salle de contrôle des réacteurs. À l’aide de gestes précis et rapides, il l’aida à démonter les protections du générateur hyperdrive. En prenant un peu de recul, Raphy observa le bloc principal du générateur, un gros cube bourré d’électronique de 2 mètres sur 2. Il croisa les bras et se tourna vers Luke :

– C’est bien ce que je pensais. Le générateur a pris un gros court-circuit. Il pointa la partie supérieure du bloc. Tu vois ces composants ? Ils sont totalement grillés.

En effet, tout était presque calciné à cet endroit.

– Ça aurait pu prendre feu, non ?

– En théorie oui. Mais les protections que l’on vient de retirer sont justement conçues par ça.

Luke acquiesça en silence, essayant d’évaluer par lui-même l’ampleur des dégâts. Mais Raphy fut plus rapide :

– Finalement on a de la chance ! La seule chose qu’on a faire est de remplacer les composants. Il se frotta les mains. Ce n’est pas difficile mais ça va nous prendre un bon moment.

– Et ensuite il faudra tester que le générateur fonctionne en lui faisant faire des simulations de calculs ?

– Exactement.

Raphy s’accroupit pour observer le générateur d’encore plus près :

– On va commencer par lister les composants manquants et ensuite on ira …

Il fut interrompu par une alarme sonore provenant du système d’urgence du vaisseau. Par dessus le bruit strident, la voix d’Orthur se fit entendre :

– Urgent ! Venez tous au niveau -12 de la soute. Arrêtez tout et venez immédiatement. Je répète : c’est urgent !

Luke et Raphy se regardèrent un instant, frappé de surprise.

– Ils ont dû trouver quelque chose … commença Luke.

– Allons-y, le coupa Raphy avant d’ajouter, Je n’aime pas ça du tout …

Moi non plus pensa Luke. La soute était de loin l’endroit dans lequel il n’avait pas envie de se retrouver. Immense, sombre et pleine de recoins, elle avait de quoi effrayer.

Ils remontèrent le long couloir au pas de course. Il n’y avait personne au poste de communication. Edamaël avait certainement déjà pris la direction de la soute.

Quelques instants plus tard, ils étaient de retour dans l’espace principal de l’équipage et se tenaient devant l’ascenseur qui menait à la soute.

– Tous les autres sont déjà en bas, constata Raphy en appuyant sur la commande pour appeler l’ascenseur.

Celui-ci s’ouvrit immédiatement et ils s’engouffrent rapidement dedans. Luke ne cessait de retourner dans sa tête le message énigmatique d’Orhtur. “Qu’avaient-ils trouvé dans la soute ? Une sortie d’hyperespace, même brutale, ne pouvait pas provoquer de dégâts sur la marchandise. À moins que le raritarium ne soit sensible à ce type de problème …”. Luke n’en savait rien.

En quelques secondes, ils atteignirent le niveau -12 et la porte s’ouvrit sans bruit. Devant eux, se tenait le reste de l’équipage, leurs visages anxieux tournés vers les profondeurs obscures de la soute. Luke suivit leur regard et fut soudain frappé de stupeur. Une onde glacée lui parcourue tout le corps.

Devant le petit groupe, au milieu du passage, pendaient du plafond deux grosses formes arrondies et apparemment visqueuses. Elles étaient attachées par des sortes de fils organiques d’une couleur blanche sale. Une flaque opaque, comme du sang coagulé, se trouvait juste en dessous et s’étendait presque jusqu’aux pieds d’Orthur, qui était le plus proche.

– C’est bon tout le monde est là, s’écria nerveusement Pelouis en apercevant les deux nouveaux venus. Il pointa aussitôt son arme sur eux. Alors ?.

Raphy poussa un petit cri :

– Mais bordel qu’est-ce que tu fais ?

Luke, totalement déconcerté, avait du mal à réfléchir et encore plus à régir. Il ne comprenait absolument pas ce qui était en train de se passer.

– Arrête ça Pelouis, ordonna calmement Gavrie. Pelouis jeta un œil à Orthur, son supérieur, qui hocha la tête. Il abaissa son arme mais la garda cependant bien en main.

– Qu’est-ce qui se passe ? demanda timidement Raphy. Et c’est quoi ces trucs ? ajouta-t-il en faisant un signe de tête vers les formes qui pendaient du plafond.

Il y eut un instant de silence.

– Ce sont des Daeko. Ça ne fait aucun doute, répondit Orthur. Je n’en ai jamais vu mais ça ressemble vraiment à la description que l’on en fait.

Le cerveau de Luke se remit à fonctionner d’un seul coup. “Des Daeko !”. Il ne savait pas grand-chose à propos de cette espèce qui vivait sur Aeko II. Les rumeurs qu’il avait entendues n’étaient cependant pas très rassurantes. On disait que ces aliens s’introduisaient dans les vaisseaux visitant leur planète pour en éliminer l’équipage et récupérer la cargaison de raritarium. Il avait même entendu parler “d’infections” sans comprendre exactement à quoi cela pouvait bien faire référence …

– Des cocons de Daeko, corrigea Gavrie d’une voix légèrement tremblante. Le tout est de savoir ce qu’il y a à l’intérieur.

Hewma, la responsable santé, prit la parole, lançant un regard très appuyé à Gavrie :

– Comment ont-ils pu s’introduire dans le vaisseau ? Je pensais que ce type d’intrusion n’arrivait jamais ?

Luizette eut un petit rire nerveux :

– C’est ce que l’on dit pour qu’il y ait encore des volontaires pour ce type de mission …

Gavrie lui coupa la parole :

– Peu importe ! C’est arrivé et on doit faire avec.

Une question brûlait les lèvres de Luke mais il n’osait pas intervenir. Heureusement Edamaël avait eu la même pensée :

– Qu’est-ce que tu veux dire par “savoir ce qu’il y a à l’intérieur” ?.

Gavrie pris un air grave et expliqua :

– Ça va être difficile, mais je vous demande de ne pas paniquer.

Il jaugeat chaque membre de l’équipage du regard avant de poursuivre :

– Il y a deux Daeko parmi nous, ici même, qui ont pris l’apparence de deux d’entre nous.

Un silence de mort suivit ses paroles. Le seul bruit perceptible était le “ploc-ploc” du liquide s’écoulant goutte à goutte des cocons dans la flaque.

– Tu veux dire … commença Orthur, que deux d’entre nous sont …

– … morts oui, répondit Gavrie, et enfermés dans ces cocons.

Hewma, très pâle, suggéra à voix basse :

– Donc si on ouvre les cocons … on pourra savoir lesquels d’entre nous sont des … imposteurs ?.

– C’est impossible, déclara Luizette, On ne peut pas toucher les cocons car ils sont mortellement toxiques pour les humains.”

– C’est vrai, intervient Gavrie. On a une procédure là-dessus dans les documents du vaisseau : la seule manière de trouver les Daeko est de surveiller le moindre comportement suspect.

Pelouis, qui s’était contenu jusque là, recula un peu en prenant de nouveau son arme :

– Donc on est tous suspects, c’est ça ? Comment on va faire bordel ?

– Ferme-là Pelouis, aboya Orthur. Ce n’est pas si simple. J’ai entendu dire que les Daeko qui prennent une apparence humaine gardent tous leurs souvenirs, leurs personnalités et émotions. Ils sont pratiquement impossibles à distinguer de la vraie personne car ils continuent d’agir de la même manière.

À ces mots, la tension monta d’un cran.

Luke, au bord de la crise de nerfs, balaya du regard ses compagnons d’équipage. Edamaël, le visage fermé, Hewma, blème et le regard fuyant, Luizette, l’air anxieuse et grave, Orthur, qui semblait résigné, Garvie, très nerveux, Zéo, effacé et le teint grisâtre, Pelouis, en arrière et la main sur son arme et enfin Raphy, aussi abasourdi que lui.

Soudain, Luke réalisa que quelque chose n’allait pas. D’une voix faible, il rompit le silence :

– On est que neuf. Où est Jadila ?

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