Litoville

Kevin comprit très vite pourquoi Glagly n’avait pas voulu le laisser conduire. Mais il n’arrivait pas à déterminer si c’était une bonne décision ou non : dehors, dans les rues de la ville, tout le monde conduisait comme des grands malades. Et Glagly aussi ! D’un côté, c’était rassurant de savoir que le lito semblait savoir ce qu’il faisait. Mais de l’autre, Kevin aurait aimé avoir le contrôle du véhicule. Ce serait tellement bête de mourir dans un accident de la route à peine sorti de l’hôpital. 

Ils se dirigeaient vers la plus grande casse de la ville, située dans un quartier que Glagly avait qualifié de “froc opaque”, mais Kevin n’était pas certain d’avoir compris ses explications. Le plan était d’interroger les ferrailleurs sur les récentes arrivées d’épaves en provenance de l’extérieur de la ville. L’idée était bonne et Kevin commençait à se fier à Glagly.

– Mais bordel pourquoi est-ce que tu as fait ça ?

Kevin, en sueur, se retourna vivement pour observer la voiture qui avait failli les percuter. Glagly venait de traverser un immense carrefour à vive allure, plus de 120 km/h d’après le compteur. 

– On a encore failli se faire éclater ! 

– Glish t’inquliète jle gèle ! 

Fulminant, Kevin ajouta :

– C’est quoi les règles de priorités ici ? Je n’ai vu aucun feu ou panneau ?

– Pliolité de quloi ? 

Kevin le regarda d’un air ahuri :

– Les règles pour savoir qui passe en premier à un croisement de rues par exemple. La base de la conduite quoi !

– Ah çla ? On a une lègle simple ici : le plemier allivé passle en plemier. Tu vlois, c’est simple.

– Mais c’est complètement débile !!

– Slais pas mais ça malche.

C’était pire que prévu. Pas étonnant que son mongole de boss l’ait percuté sur l’autoroute. Ses souvenirs étaient confus sur les derniers instants, mais il lui semblait bien que le lito roulait à toute blinde sur la bande d’arrêt d’urgence. 

– Combien de temps avant d’arriver ?

– Glish ça déplend de la vlitesse. On peut accéléler un peu stu veux. 

Sans attendre sa réponse, Glagly se déporta brusquement sur la droite pour doubler en trombe une demi-douzaine de véhicules. 

– L’accélélation est vlaiment cool sul le nouvleau modèle.

Il prit un virage serré d’un geste apparemment maîtrisé du volant. Ils se trouvaient à présent dans un quartier un peu plus sombre de la ville : les immeubles étaient plus hauts et rapprochés.

– Ah glish on est chlez les flocs oplaques ! 

– C’est quoi cette histoire de froc ? C’est encore un de vos trucs débiles ?

– Hé glish un peu de lespect ! Ce slont nos factlions. 

Kevin le regarda sans comprendre.

– On a plusieuls camps à Litoville : les flocs pâles et les flocs oplaques. Ils sle chelchent la melde tout le tlemps. 

– Mais pourquoi froc ?

– C’est palce qule on fait la diffélence avec la couleur de leur plantalon. Sli c’est clail c’est un floc pâle et sli c’est flonclé c’est un floc oplaque. 

Kevin jeta rapidement un coup d’œil aux vêtements de Glagly.

– Et toi tu es …

– Mloi jle suis un floc glis. Jle suis neutle. C’est beaucoup mlieux poul le business.

– Ah ok …

– Les flocs pâles et l’oplaques sle battlent slouvent pour des connelies genle la place des plantes dans la socliété lito. Mloi j’ai pas le temps de plenser à ça. Jle suis là pour faile du cash. 

Kevin n’était pas très intéressé par ce soi-disant conflit idéologique entre litos. Ça restait pour lui des types un peu débiles qui faisaient n’importe quoi. 

– Comment tu fais pour faire du cash ? Tu fais quoi pour ton boss ?

Glagly resta évasif :

– Des misslions à dloite à glauche. Le business hablituel de Litoville quloi. 

Ils se turent et Kevin observa les rues défiler à vive allure. Au détour d’un carrefour, il crut apercevoir un lito armé d’une tronçonneuse en train de couper les lampadaires bordant la route. Avant qu’il n’ait pu regarder en détail, Glagly s’engagea dans une rue perpendiculaire et un immeuble imposant lui coupa la vue. Qu’est-ce qu’il foutait ici bordel ? Et surtout, qu’est-ce qu’il allait faire à présent ? Il était dans une ville de fous furieux, mais n’avait pas d’autre endroit où aller. S’il quittait Litoville, il ne donnait pas cher de sa peau. Revenir bredouille sans la cargaison était la pire chose à faire. 

– Et voilà glish on y est, annonça fièrement Glagly.

Il effectua un terrible dérapage pour se garer pile devant une grille de fer totalement rouillée. Kevin jeta un regard au dehors. Derrière la grille, éclairées par un petit soleil matinal, se dressait des montages et des montages de carcasses de voitures. Ils étaient arrivés à la casse.

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