Le parking

Glagly conduisit Kevin dans le centre-ville et ils se retrouvèrent sur une grande place carrée.

– La place de la paix glish. Pelsonne n’a le dloit d’utiliser une alme ici. C’est mega slafe.

– Et tout le monde respecte ?, demanda Kevin, sceptique. Après tout ce qu’il avait découvert sur les litos, c’était hautement improbable que le simple titre “place de la paix” puisse faire de ce lieu un endroit sécurisé.

– Louais tout le mondle. C’est vlaiment saclé ici. 

– Ok …

– Du coup ta plein d’entleplises qui ont leuls buleaux.

Il désigna l’un des côtés de la place et Kevin reconnut effectivement quelques logos d’entreprises litos connues, comme SQQ. De l’autre côté de la place, une foule de restaurants étaient ouverts. Glagly se dirigea dans cette direction et fit entrer Kevin dans l’un d’eux, nommé “Le QG”.

– Ah glish, il leste de la place dans mon lestlo favoli ! 

Une fois installé à table, Kevin orienta de nouveau la conversation sur cette histoire de parking.

– Ah loui ! Je plense qule ton anclienne caissle va blien êtle utilisée comme ballicade.

– Hein ? 

– Ce tlype, Gloulo, est un putlain de glolito tlafiquant d’almes qui fait slouvent des tlansactlions louches au niveau mloins douze d’un vlieux palking soutellain du qualtier des flocs opaques. 

Kevin était déjà perdu :

– Un grolito ? Le niveau moins douze ?

– Louais, tu n’as jlamais entendlu parler des glolitos ? C’est comme un lito slauf qu’il est glos à folce de tlop bouffler. Ah glish, en parlant de bouffe !

Le serveur venait d’apporter les deux pizzas qu’ils avaient commandées. Kevin se servit et commença à manger. La pizza était excellente. Pas du tout ce à quoi il s’attendait de la part d’un cuisinier lito.

– Et donc jle dislais … ah loui les glolitos et … le niveau mloins douze. C’est jluste qu’on n’a pas bleaucoup de place ici alols on constluit slouvent tlès bas. 

– Mais du coup, pourquoi une barriquade avec ma caisse au niveau moins douze ?

– Quand on fait une tlansactlion d’almes ici, c’est slouvent tlès tendlu. Alols chaque camp plend ses plécausions. Je plense qule Gloulo va se selvir de ta caissle comme ballicade poul la tlansactlion de ce soir. 

Kevin comprenait mieux mais ne savait pas si ces nouvelles étaient un bon signe. Ça paraissait compliqué de récupérer son ancien véhicule maintenant qu’il était aux mains d’un trafiquant d’armes notoire. 

– Et tu sais où est le parking ?

– Blien sûl ! Tu me plends poul un noob ?

– Non non, c’était juste comme ça. C’est quoi le plan ?

Glagly réfléchit un instant. 

– On va attendle le soir et on va aller voil la tlansactlion. Dès qu’elle sela finie, on attendla qule tout le monde paltent et on lécupèle ta caissle. 

– Pourquoi ne pas y aller avant la transaction ? On a le temps avant ce soir ?

– Louais mais c’est pas sûl qu’ils mêttent toutes les caissles avlant le début de l’échlange. Et en plus ça peut plendle du temps de soltir la dlogue. Je ne veux pas qu’on sloit sulplit en tlain de lécupéler ta malchandise.

Kevin hocha la tête et accepta le plan. Après tout, les actions farfelues de Glagly l’avaient bien aidées jusque là. Il fallait vraiment avoir une logique de lito pour survivre dans cette ville. 

Le soir arriva lentement et, après quelques heures interminables pour Kevin, ils reprirent la voiture pour se diriger de nouveau vers le quartier des frocs opaques. 

– Glish, tu vas voil, il faut connaitle poul savoir qule c’est là.

Glagly s’engagea dans une petite rue déserte. Il poussa l’accélérateur et tourna subitement à droite dans un étroit passage qui descendait dans l’obscurité. Quelques instants plus tard, ils se retrouvèrent dans le parking souterrain. Le premier niveau était plein à craquer.

– On va se galer au mloins dix je pense. Slinon on sela soit tlop plès soit tlop loin. 

Glagly commença à descendre les niveaux prudemment.

– Glish vaut mlieux pas se tlomper de nivleau ici. 

Au fur et à mesure qu’ils descendaient, le nombre de voitures diminuait. Par contre, Kevin remarqua de plus en plus d’épaves de véhicules, brûlées et noircies. Enfin, ils arrivèrent au moins dix et Glagly se gara dans un coin obscur, à l’abri des regards. 

– Et maintenant ?

Glagly consulta sa montre :

– Et maintlenant on va voil ce qui sle passe en dlessous. On est pile dans le bon timming.

Ils quittèrent la voiture et empruntèrent un vieil escalier de service. Kevin se sentait mal à l’aise. Glagly semblait savoir ce qu’il faisait, mais tout avait mal tourné pour Kevin ces derniers jours. 

– Glish, va falloir la jouer disclet. Je vois quelques galdes déjà. 

Ils étaient arrivés au moins douze. Kevin distinguait effectivement des formes sombres au centre du parking. Ils s’approchèrent, accroupis parmi les voitures. Glagly s’arrêta derrière un gros 4×4 collé à un pilier en béton et chuchota :

– Si ça toulne mal glish, on poulla se cachler dellièle.

À une dizaine de mètres de leur cachette, se trouvait une sorte de no man’s land, un espace totalement dégagé entre les voitures. De part et d’autre, Kevin découvrit avec stupeur les fameuses “barricades”. Elles étaient composées d’épaves de voitures en tous genres, entassées les unes sur les autres. Trois litos armés de fusils d’assaut se tenaient au centre de la scène, silencieux. Kevin se mit à plat ventre pour avoir une meilleure vue sur la barricade la plus proche, sur sa gauche. Il ne mit pas longtemps à repérer sans ancienne Audi. Elle se trouvait presque au centre de l’assemblage de véhicules, sous une petite camionnette. Kevin se redressa doucement.

– Glagly, j’ai retrouvé la caisse. 

– Palfait. Maintlenant on doit attendle. Je pense qule la tlansactlions va commencler. On poulla lécupéler ta malchandlise juste aplès.

Kevin acquiesça. Il n’était pas satisfait de ce plan, mais ne voyait pas comment faire autrement. Ils n’étaient pas de taille à lutter contre les litos armés jusqu’aux dents. Prenant son mal en patience, il s’assit dos au pilier en béton. S’il ne parvenait pas à récupérer la drogue … Il ne préférait pas y penser. Il avait repoussé cette éventualité toute la journée. Mais il devait l’envisager. Que ferait-il si ça tournait mal ? La seule option valable serait de rester à Litoville ? Rentrer à Paris ou en France serait du pure suicide. On ne rigolait pas avec des types comme son patron …

Un coup de feu vint briser le silence. Le bruit résonna avec violence dans l’espace confiné du parking. Kevin se tourna vivement vers le lieu de l’échange. Devant la barricade de droite, celle ne contenant pas la Audi, se tenaient une vingtaine de Litos suréquipés. C’était leur leader qui semblait avoir tiré en l’air pour attirer l’attention. Il portait un grand manteau à fourrure et mâchonnait un gros cigare éteint. Kevin imagina immédiatement un gangster. 

– Lui c’est Kalglotlich, précisa Glagly à voix basse, ça doit êtle lui l’achleteur des almes. 

– Comment tu le connais ?

– Longue histoile glish. Dislons qu’on a déjà eut affaile avec ce connald avec le bloss. Kalglotlich contlole un glos gang de maflieux en ville. 

Kevin reporta son attention sur la zone de l’échange. Karglotrich menaçait déjà les trois gardes litos.

– Alols c’est ça l’accueil qule fait Gloulo ? Il envoit tlois pauvles tlypes qule je poullais butler en deux slecondes ? Je slavais blien qule c’était un glos polc inclapable de blouger son glos cul. Mais quand, même, flais un plutain d’effort Gloulo !

Ses hommes ricanèrent bruyamment et commencèrent à mettre en joue les trois litos. Ces derniers détalèrent aussitôt pour se réfugier derrière l’autre barricade. Kevin vit l’un d’entre eux faire un geste obscène vers Karglotrich. Un nouveau coup de feu retentit, mais ne toucha personne. Cependant, Kevin le savait, cette entrée en matière n’était pas bon signe et la transaction allait être tendue. 

– Putlain, j’espèle qule ça va pas duler tlop longtemps, souffla Glagly, j’ai envlie de chier.

À cet instant, une lueur éblouissante apparut à l’extrémité gauche du parking. La barricade la plus proche s’ouvrit soudain, poussée par un véhicule avec des roues immenses. Il ressemblait à un 4×4 monté sur de gigantesques pneus de tracteurs. Kevin reconnu aisément un monster truck. Il en avait déjà vu lors d’un spectacle d’écrabouillage de voitures à Paris. Rien d’étonnant que les litos utilisent ce genre de véhicule … Une portière s’ouvrit brusquement et le monster truck pencha sous le poids du lito qui descendait laborieusement. Kevin comprenait à présent pourquoi Glagly avait parlé de “grolito” pour désigner Glouro. Il était immense, au moins quatre fois plus large que n’importe quel lito ou humain normalement proportionné. Il portait un énorme flingue et était lui aussi drapé d’un manteau à fourrure façon gangster. 

– Kalglotlich ! C’est quloi ces manièles ? Poulquoi nous accuellir avec des balles ? Tu ne vleux pas tes almes ou quloi ?

Il ouvrit largement les bras, comme pour souhaiter la bienvenue à son partenaire de business. Mais Kevin n’était pas dupe. Il voyait parfaitement les hommes de Glouro se déployer de part et d’autres de la barricade. Ils étaient à priori plus nombreux que ceux de Karglotrich. Ce dernier répliqua :

– Ah glish, te voilà enflin ! Je ne vloulais juste pas néglocier avec des débiles. On a blien le dloit de faile de l’humoul non ?

– Louais c’est blien vlai. Comment vont tes affailes ?

C’était une sorte de rituel pensa Kevin en écoutant Karglotrich répondre poliment et retourner la question à Glouro. Le tout était de savoir si le reste de l’échange allait aussi bien se dérouler. 

Glouro fit un signe de main à ses hommes :

– Bon, les choses sélieuses maintlenant. 

Une camionnette s’approcha doucement et se gara près des deux leaders. Glouro s’approcha de la porte arrière mais ne l’ouvrit pas. 

– Avant tout glish, je veux voil le flic. 

Kevin vit nettement Karglotrich serrer les dents. Il fit lui aussi signe à l’un de ses sbires. Ce dernier s’approcha avec une manette, qu’il ouvrit devant Glouro. Elle était remplie à ras bord de cash. Une vraie fortune. 

– Palfait, répondit Glouro en ouvrant la porte de la cammionette. On est jamais tlop pludent avec les connalds comme tloi. 

Karglotrich ne releva pas l’insulte et se plongea dans le coffre de la camionnette. Il sortit un énorme fusil d’assaut pour l’examiner en détail.

– C’est dla bonne malchandlise qule ta là glos tas. Avec les connalds comme tloi on est jamais sûl de la qualité avlant dla voil en vlai. 

Glouro ne releva pas non plus les provocations. Kevin était presque certain que cela faisait aussi partie du rituel. À côté de lui, Glagly ne perdait pas une miette de la scène et semblait concentré. Karglotrich reprit la parole :

– C’est dla bonne malchandise mais ça ne vaut pas tout le flic. Je t’offle la moitié de la malette contle tes almes. 

La “négociation” venait de commencer.

– Tu me plends poul un glos déblile Kalglotlich ? 

Ce dernier éclata de rire :

– Débile pas tlop mais glos loui !

Glouro recula tranquillement vers sa baricade. 

– Si tu me donnes seulement la moitié du flic, t’aulas la moitié des almes. Un deal est un deal. 

Il ouvrit de nouveau les bras, pour désigner la petite armée qui était rassemblée derrière lui. 

– Tu n’es pas en plosition de néglocier connald. 

Les sbires de Glouro étaient très nombreux constata Kevin. Au moins le double de ceux de Karglotrich. Mais si ce dernier résistait, ça allait quand même être une sacrée fusillade … Serait-il encore possible de récupérer la drogue dans la voiture après ça ? Karglotrich répliqua :

– J’ai pas peur d’un glolito comme tloi. Tu clois qule je ne pleux pas néglocier peut-êtle ? 

Il désigna derrière lui deux litos tenant chacun un lance-roquette pointé droit sur Glouro. Ce dernier soupira et Kevin vit distinctement quatre de ses hommes se placer également avec des lance-roquettes, pointés sur Karglotrich. La tension était à son maximum.

– Je clois qu’on va faile ça autlement, reprit Glouro, tu vas me donner tout ton flic et tu aulas seulement la moitié des almes. Comme ça t’alletela de me faile chier …

Tout se passa ensuite très vite. Glagly saisit brusquement Kevin et l’obligea à se tenir derrière le pilier en béton. Des grenades fumigènes éclatèrent au milieu de la scène. Kevin entendit des tirs dans tous les sens. Il plaqua les mains sur ses oreilles pour étouffer le son, sans grand succès. Plusieurs explosions violentes retentirent. Des hurlements et une pagaille sans nom suivirent. Enfin, après ce qui sembla être un moment interminable, le silence revint. Glagly jeta un œil vers la scène de la fusillade. 

– Glish ça a l’air telminé. On va attendle encole un peu au cas où. 

Il s’accroupit et commença à se diriger dans le sens opposé.

– Je vais chier. Dès qule je leviens on va inspectler ce boldel. 

– Ok …

Kevin attendit une dizaine de minutes seul. Il n’y avait plus aucun bruit dans le parking. Une légère fumée continuait d’alourdir l’air. Comment son ancienne voiture aurait-elle pu résister à un tel carnage ? Il suffisait d’une balle mal placée dans la carrosserie pour que toute la drogue s’échappe dans l’air …

– Bon glish, on va voil ? 

Glagly était de retour et semblait plus en forme. 

– Glish, ça fait du blien de chier ! 

Ils s’approchèrent du no man’s land entre ce qui restait des deux barricades. De nombreux cadavres de litos jonchaient le sol. Kevin se força à ne pas les regarder. Il ne voulait pas vomir devant Glagly, qui semblait totalement imperturbable. Etonnement, la camionnette des armes était parfaitement intacte. Glagly en fit le tour :

– Elle est vide. 

– Qui a pu récupérer les armes tu penses ?

Glagly haussa les épaules. 

– Slais pas. Mais il y folcément l’un des deux qui a flait son affaile ici. 

Ils se tournèrent ensuite vers la barricade de Glouro. Le monster truck avait complètement explosé. Toutes les voitures environnantes étaient elles-aussi noircies et tordues. Parmi elles, se trouvait bien entendu …

– Ma caisse ! Putain comment je vais faire !!

Ils examinèrent attentivement l’épave carbonisée. Aucune trace de drogue. L’explosion avait dû la pulvériser. Il n’y avait plus rien à faire ici. D’un pas lourd, Kevin suivit Glagly vers l’escalier de service. Tous ses efforts de la journée avaient été inutiles. Cette fois, il était vraiment dans la merde …

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