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Le boss

– On aurait dû aller au parking plus tôt, lança Kevin alors qu’ils sortaient en trombe dans la rue. On aurait pu récupérer la drogue avant.

– Non glish, ça aulait été imposslible à cause des galdes.

– On aurait quand même dû essayer putain ! Là je n’ai plus aucune chance. 

Glagly ne répondit pas mais redoubla de vitesse. Ils étaient à présent dans l’une des rues principales de la ville. Kevin sentait la colère monter en lui. C’était tellement injuste et stupide. Tout ça était la faute de ces putains de litos ! Qu’est-ce qu’il allait faire maintenant ?

– Ça vla glish ? 

– Non. 

– Tu veux qu’on aille te chelcher un lemontant et …

– Non. Arrête la voiture. 

– Pk ?

– Arrête la voiture.

Glagly se gara rapidement sur le bord de la route. Kevin sorti aussitôt et claqua la portière. La vitre se baissa immédiatement.

– Glish tu fais quloi ?

– Je vais marcher. 

– Okay … oublie pas qule ta lendez-vous avec le bloss tout à l’heule. Tu vois les touls tout au bout dla lue ?

Kevin acquiesça.

– Hé blien c’est la place de la paix et le buleau du bloss est juste au desslus du lesto de ce midi. Je t’attendlais là bas avec la caissle.

– Ok salut.

Glagly démarra à fond et s’inséra sans ménagement dans le trafic. Kevin se mit à marcher doucement en direction de la place. La rue était très longue : il n’était pas près d’arriver. Les litos présents sur le trottoir lui jetaient des regards étonnés mais il n’y prêta aucune attention. Il était focalisé dans ses pensées.

Comment allait-il sortir de ce merdier ? Il avait plusieurs options. Retourner à Paris les mains vides semblait la moins bonne d’entre elles. Au pire, cela signait son arrêt de mort et, au mieux, il serait passé à tabac et aurait du mal à s’en remettre. Cependant, s’il voulait revoir rapidement Elodie, il serait obligé de retourner sur Paris. Un autre scénario serait de fuir à l’étranger, dans les pays de l’Est ou même en Afrique. Mais ça ne résolvait pas tous ses problèmes. Les trafiquants penseraient qu’il avait pris la fuite avec la drogue et iraient le chercher. Et dans tous les cas, cela l’éloignerait définitivement d’Elodie. Sinon, il pouvait rester ici, à Litoville. C’était un sanctuaire pour lui car aucun trafiquant n’irait le chercher ici. Mais bordel comment on pouvait vivre bien dans cette ville ?

Une fine pluie se mit à tomber et Kevin se retrouva bientôt couvert d’une légère pellicule d’eau. Sa colère était retombée, mais le sentiment d’injustice qu’il ressentait ne cessait de s’amplifier. Pourquoi toute cette histoire lui arrivait-elle à lui ? D’un côté, c’était en partie de sa faute. Il savait qu’il y avait des risques à jouer les trafiquants de drogue, mais il ne pensait tout de même pas perdre l’ensemble de sa cargaison … 

C’était un vrai cauchemar. Par dépit, Kevin essaya une nouvelle fois de se pincer, pour se réveiller, mais rien ne se passa. Autour de lui, les passants le croisaient ou le dépassaient, tous plus étranges les uns que les autres. La plupart possédaient des armes, discrètes ou imposantes. Kevin se rendit compte qu’il avait encore le flingue du lito de la casse. Au moins il pouvait se défendre si besoin. Presque malgré lui, ses pas le menèrent à la place de la paix et au restaurant. Un lito le fit entrer dans l’immeuble et le conduisit jusqu’au bureau du boss, au quinzième étage. Kevin n’attendait rien de cet échange. Il était crevé de sa journée et voulait simplement que tout s’arrête. 

Il fut poussé à l’intérieur d’une pièce élégante, pourvue de petits fauteuils confortables. Le boss était debout près de la baie vitrée, habillé dans un costume noir impeccable. Il se précipita vers Kevin pour lui serrer la main.

– Hé glish, voilà enflin mon gals ! Asslied toi ! Tu veux boile quloi ?

Sans attendre la réponse, il remplit deux verres de whisky et lui en tendit un. Kevin s’installa dans l’un des fauteuils et le boss fit de même dans celui en face. Il étudia Kevin pendant quelques secondes.

– Encole vlaiment désolé poul le clash. Je voulais vlaiment gagner cette coulse. J’avoue qule je n’ai pas été tlès pludent. On avait palié bleaucoup tlop d’algent …

Il haussa les épaules. Kevin, se sentant obligé, répondit :

– Merci en tous cas pour l’hôpital.

Le boss fit un geste de la main comme pour signifier que ce n’était rien.

– Glish pas de ploblème. Est-ce qule Glagly a été un bon gluide ? 

– Oui … on a fait … pas mal de choses aujourd’hui. 

– Cool sli tu as pu faile un peu de toulisme. Les humains ne connaisslent pas suffisslament notle belle ville. 

Kevin soupira. Il avait du mal à tenir cette conversation. Par réflexe, il vida la moitié de son verre. Le whisky était très fort.

– Quand vas-tu lepaltir du coup ? 

La fameuse question. 

– Je ne sais pas encore. Mais bientôt j’espère. 

– Okay. Sli tu veux lester un peu, Glagly poulla te montler où loger. 

Le boss reposa son verre vide sur une petite table et se leva. 

– Bon, désolé de te mettle déjà dehols mais j’ai un autle lendez-vous. Je dois intelloger un type et ça va pas êtle bleau …

Kevin se leva également. 

– Pas de problème. 

Il se dirigea vers la porte. 

– Ah glish, j’allais plesque oublier !

Kevin se retourna.

– La calgaison de dlogue qule tu avais dans ton anclienne caissle. Je l’ait fait cachler dans ta nouvelle bagnole. 

Kevin le regarda, la bouche grande ouverte. Le boss poursuivit :

– Et comme un con j’ai oublié dle dile à Glagly l’autle joul !

– Donc … la cargaison est déjà dans …

– Loui glish, dans ta SQQ Bloch 6000. Glagly a dlû te la montler non ?

– Euh oui … Merci beaucoup !

Kevin était confus. Il avait risqué sa vie toute la journée pour retrouver une putain de cargaison qui se trouvait en réalité … dans sa propre voiture ! Tous ses problèmes étaient réglés ! Il allait pouvoir rentrer à Paris, se faire pardonner pour le retard, livrer la drogue, toucher la commission et retrouver Elodie ! 

– Merci encore ! Merci !

– Glish ce n’est lien. C’est bien nolmal ! 

Kevin souriant d’une oreille à l’autre, sortit du bureau. Finalement, il y avait peut-être du bon dans cette ville de fous.

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